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Cinéma

Kamarade Fifien

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A PROPOS

Blog personnel d'un cinéphile / sériephile passionné qui partage ses découvertes, qu'il s'agisse d'obscurs chefs d’œuvres, de l'actu ciné ou de séries à voir absolument.

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Cycle Tarkovski #5 : Le Miroir (1975)


LE MIROIR (1975)
CYCLE ANDREÏ TARKOVSKI
AVEC MARGARITA TEREKHOVA, OLEG YANKOVSKI, ANATOLI SOLINITSYNE

Au centre de la filmographie infiniment complexe d’Andreï Tarkovski se cache Le Miroir – sans doute son œuvre la plus personnelle, la plus exigeante et étonnement, la plus simple. Il n’est pas difficile de passivement interpréter le quatrième long-métrage du russe comme une succession chaotique d’images, certes splendides, mais témoignant d’un rejet inconséquent d’une narration classique. Affirmation réductrice, mais pas totalement infondée : si Le Miroirest une expérience intime pour son cinéaste, elle l’est de la même façon pour son spectateur.


Le Miroir est un cheminement mental – Tarkovski formule son film comme on parcourait ses pensées. Il n’y a pas d’introduction, il n’y a pas de fin ; les images naviguent, s’entremêlent, interagissent entre elles – simples souvenirs d’enfance incertains ou regrets prononcés de nos erreurs passés. Pour faire court, Le Miroir n’est pas une œuvre sur la mémoire, elle est la mémoire. C’est peut-être ce qu’il y a de plus déstabilisant dans cet essai, il ne s’agit pas de s’abandonner et de se laisser simplement porter par le flot pictural de la caméra, mais il ne s’agit pas non plus de vouloir interpréter à outrance le symbolisme marqué de l’architecture tarkovskienne. Pour apprécier comme il se doit Le Miroir, il faut faire preuve d’empathie – s’enrichir des sensations que peuvent procurer chaque image, chaque scène et chaque personnage, car c’est là le cœur de Le Miroir : n’en retenir, comme d’un souvenir lointain, que le rugissement terrifiant d’une cabane en feu ou l’admiration candide et passionnée d’un livre d’art.
Philosophe dans Solaris, peintre dans Andreï Roublev, Tarkovski est ici poète : la rythmique des images, la mélancolie amère du passé que l’on se remémore sur son lit de mort, les rimes du temps qui passe, composent et ornementent son cinéma, ici poussé à son humanité la plus accomplie. Une agonie spirituelle, tragique et bouleversante – les sensations se passent de mots, les images font le reste ; car Tarkovski est un artisan comme il en existe très peu. Ce n’est pas seulement une question d’esthétique, mais aussi de sémantique : son cinéma déborde d’intelligence, de profondeur et de précision.


Le Miroir ; celui de la vie, celui de l’homme qui regarde rétrospectivement son existence lorsque la faucheuse frappe à sa porte et qui, dans une ultime rédemption, tente de pardonner ses erreurs, ses fautes et de faire le deuil de ses regrets. Tarkovski évoque notre auto-perception, le rejet de nos failles les plus profondes. Le Miroir est un chef d’œuvre à la gloire de l’imperfection humaine, une ode bouleversante aux égoïstes comme aux généreux, aux mélancoliques comme aux euphoriques, parce qu’au fond, ils partagent tous la même qualité : leur humanité.

http://www.kamarade-fifien.net/2015/09/cycle-tarkovski-5-le-miroir-1975.html

Le Labyrinthe : La Terre Brûlée


LE LABYRINTHE : LA TERRE BRÛLÉE (2015)
RÉALISÉ PAR WES BALL
AVEC DYLAN O'BRIEN, KI HONG LEE, KAYA SCODELARIO
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Entre un troisième Hunger Gamescatastrophique et un Divergente 2 pas loin d’être irregardable, Le Labyrintheavait apporté un vent de fraîcheur inespéré sur le genre éculé des adaptations de romans young adult. C’était d’autant plus remarquable que le roman de Dashner, en dehors de son concept curieux et de quelques idées plutôt encourageantes, était un véritable calvaire à lire tant il semblait s’éparpiller inutilement sur des pistes narratives superficielles. Pourtant, une forte inquiétude demeurait en ce qui concernait cette suite. Déjà parce que le deuxième tome était encore pire que le premier, mais aussi parce que ce qui ressortait des bande-annonces n’avait rien de très rassurant – sans parler des critiques presse américaines assassines.


Le problème principal du livre La Terre Brûlée était son absence de structure. Dashner livrait un flot d’idées diverses et souvent difficilement compatibles – épidémie, zombies, télépathie, post-apo, et la liste continue – sans qu’il ne parvienne à construire une intrigue convaincante. Pour faire court, cela ressemblait à un brouillon inachevé, sans architecture de récit, avec des personnages désincarnés qui n’aidaient pas à rendre les enjeux un minimum engageants.
D’une manière encore plus marquée que pour Le Labyrinthe, l’équipe scénaristique a donc décidé de faire l’impasse sur bien des aspects de l’œuvre originale, dont on ne retrouve globalement ici que certaines péripéties et personnages. Pour faire court : La Terre Brûlée est une adaptation infidèle au possible, les adorateurs du livre crieront au scandale, mais soyons honnêtes, ce n’est pas nécessairement une mauvaise chose.
La Terre Brûlée a beau être un film empli d’imperfections – la dramaturgie est presque inexistante, les acteurs ne sont pas toujours très convaincants, et ce dernier acte nanardesque est à oublier au plus vite – mais entre ces défauts prévisibles se cache cependant une surprise de taille : comme l’an dernier, la nouvelle itération de la trilogie Le Labyrinthe est d’une efficacité monstre. Le travail d’écriture fourni est encore une fois colossal ; cette affirmation pourrait en faire sourire certains, mais pour qui a lu les livres, ce n’est pas loin d’être une évidence. Le bouquin était illisible, tandis que le film est d’une clarté réjouissante.


L’histoire est palpitante, plutôt bien dirigée – plusieurs scènes intenses témoignent d’une belle maîtrise scénique – il est donc difficile de s’ennuyer devant La Terre Brûlée. Wes Ball sait décrire un univers sans inonder son spectateur de détails, il pose des objectifs simples, épure sa forme jusqu’à la rendre limpide. Il est tout simplement l’un des meilleurs faiseurs d’action de cette époque trouble pour Hollywood.
La Terre Brûlée ne révolutionne rien ; le film a beau être légèrement moins convaincant que son prédécesseur, il évite avec brio la catastrophe annoncée. Il s’essaie même à l’humour, et ça marche plutôt bien ; mais surtout, il possède ce feeling presque old school, à la fois dans cette peinture d’une fin du monde à l’australienne – on pense à Miller, à Michôd et à Hilditch – mais aussi en construisant ses personnages autrement que par le biais d’un triangle amoureux. La Terre Brûlée n’est pas vraiment un film young adult habituel, il est plus rude, moins immature, pas forcément plus intelligent, mais clairement moins ciblé : il se fait tout simplement plaisir.


Le bon coup de La Terre Brûlée est d’éviter ce qui aurait pu être son terrain de prédilection. Wes Ball réunit le meilleur des ersatz d’Hunger Games – les high concepts excitants et le dynamisme du récit – et tout ce qui a surement dû le fasciner dans La Planète des Singesou chez Spielberg lorsqu’il était plus jeune. Ce n’est pas toujours très fin, il aurait mieux fallu se détacher totalement du matériel d’origine, la frontière avec la série B est parfois mince et le fond du film n’est pas très malin ; mais en tant que divertissement, La Terre Brûlée excelle. Ce n’est pas innovant, ce n’est pas très profond, mais la démarche est honnête et s’assume totalement. Non, Wes Ball ne pense pas réaliser une critique des médias sur fond de Battle Royale futuriste ; il s’amuse juste avec son road movie apocalyptique avec des zombies surpuissants, des rebelles de la montagne, des araignées robotiques, des proxénètes au goût douteux et des méchants scientifiques aux motivations ambiguës. On fait avec ce que l’on a, mais ça fait du bien de voir autre chose que des justiciers en costume.


http://www.kamarade-fifien.net/2015/09/le-labyrinthe-la-terre-brulee.html

Cemetery of Splendour


CEMETERY OF SPLENDOUR (2015)
RÉALISÉ PAR APICHATPONG WEERASETHAKUL
AVEC BANLOP LOMNOI, JENJIRA PONGPAS, JARINPATTRA RUEANGRAM
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Avec la situation politique qui secoue depuis mai 2014 la Thaïlande – un coup d’état ayant transformé le pays en une dictature militaire – Cemetery of Splendour possède le goût déchirant d’un au-revoir. Apichatpong Weerasethakul aime son pays ; il a été le pilier de cette nouvelle vague cinématographique thaïlandaise, mais désormais, il semble désespéré. L’art, dans un régime totalitaire, ne peut pas s’épanouir pareillement. Ce volet 2015 pourrait donc être le dernier film qu’il réalise au cœur de ses terres natales.


C’est comme si, par la force des choses, la filmographie de Joe prenait une dimension supplémentaire – une ligne politique s’insérant discrètement entre la poésie de ses images et les questionnements existentiels qui l’ont toujours fasciné. Mais même quand il s’essaie au social, Joe ne trahit pas son amour du cinéma, et Cemetery of Splendour est une œuvre tout aussi fascinante que ses précédentes. N’y voyons pas non plus un brûlot désinvolte ; il s’agirait plus certainement d’une triste chronique de l’état d’un pays en crise identitaire.
Ce rapport au surnaturel n’aura que rarement été aussi bien dosé. Comme d’habitude chez le thaïlandais, le fantastique apparaît par petites touches, acceptées comme crédibles et logiques par les protagonistes – ce qui semble, dans Cemetery of Splendour, mieux équilibré que jamais, c’est cet émerveillement devant un tableau familier qui, comme en opposition à ces histoires de fantômes, n’a en apparence rien de singulier. Cette sobriété d’effets, illustrée par cette scène inoubliable de visite d’un palais ancestral imaginaire, donne une force évocatrice sans pareil au film de Joe : il ne perd jamais de vue cette magie, cœur de son cinéma et de son style, qui illumine ses films de cette beauté parasite du quotidien.


Cemetery of Splendour est une œuvre sobre. Peut-être la plus sobre de Joe depuis Blissfully Yours, mais elle n’en demeure pas moins un cri de douleur étouffé, un chant du cygne enchanteur et bouleversant, qui ne tombe jamais dans le désespoir ni dans le pitoyable. Au contraire, Cemetery of Splendour est un superbe accomplissement, une balance parfaite de rêve, de tradition et d’engagement. Si c’est un bel et bien un adieu, il est tout simplement magnifique.

http://www.kamarade-fifien.net/2015/09/cemetery-of-splendour.html

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